Le deuil d'un avortement: actes symboliques, psychomagie et photothérapie.
Dans mon monde idéal, il n'y a pas de deuil à faire lorsqu'on a recours à une IVG.
Car c'est souvent un choix, et en ce qui me concerne; il a été fait avec mon coeur et ma raison,
Un choix, certes difficile, mais qui était juste dans ma vie de ce moment là.
Cependant, la lutte féministe pour acquérir ce droit et les inégalités qui sont toujours présentes face à cette acte, ont occulté le drame qui se passait dans mon âme. "Mon corps, mon choix" semblait masquer les cris de ma détresse...
Tout l'aspect psychologique ainsi que les émotions qui découlent de cette situation ont, non seulement, été niées par les professionnel.les qui m'accompagnaient mais surtout par moi-même!
Le résultat? Un glissement lent dans une profonde dépression.
Ancrant dans mes entrailles la honte et un profond chagrin.
Lors de ma formation en photothérapie, et la photo-analyse de mon collage de portraits, j'ai pris conscience de l'ampleur du traumatisme qui se jouait en moi.
J'avais ouvert un tou noir abyssal et je me sentais incapable de le refermer.
Je pensais avoir suffisamment travaillé sur ce sujet en thérapie, pourtant mon corps ; saccadé de sanglots durant cette analyse photothérapeutique, me prouvait le contraire,
Aujourd'hui, j'ai éprouvé le besoin de transformer cette représentation et de me libérer de ce traumatisme, en combinant mes outils et compétences,
De vous partager mes étapes, mes compréhensions et ma vison, a travers ces deux articles de blog.
Je me suis inspirée du "Manuel de psychomagie" de Jodorowsky pour construire mes actes symboliques.
Dans la première étape, il s'agit de construire mon objet transitionnel, sur lequel je pourrai projeter l'enfant qui n'est pas né: l'embryon.
Cet embryon, je lui ai donné un nom "June", j'ai inscrit ce nom et l'année de l'évènement sur l'objet, j'ai choisi un marqueur noir, représentatif de toute la noirceur que j'ai l'impression d'avoir provoquée.
Puis en conscience, j'ai installé June sur mon ventre et j'ai décidé de la garder 2 jours sur moi, ce qui représente les deux mois avant mon IVG. Un acte symbolique libérateur.
J'ai, pour chaque moment, déclenché mon appareil photo, afin de matérialiser mes différentes étapes et de permettre une continuité dans la libération émotionnelle par mon travail en post-prod.
Pendant ces deux jours, je me suis surprise à caresser mon ventre, me souvenant de cette étrange sensation que j'avais ressentie à l'époque, je parlais à ce bout de papier collé à mon ventre, je m'excusais.
Je me suis plongée dans les souvenirs de cette période de ma vie, tant au niveau environnement que professionnellement, amicalement et amoureusement. Cela a permis une sorte de tri dans mes émotions, de nettoyage aussi ... et petit à petit la sensation d'un apaisement voyait le jour. ( J'utilise volontairement certain mot pour, encore une fois, que le processus continue son cheminement).
Ensuite, après ces deux jours, est venu l'étape de la psychomagie: la thérapie par l'acte. J'allais incarner et matérialiser grâce à la mise en scène photographique.
J'ai symbolisé mon souvenir et j'ai re-joué la scène.
Volontairement je l'ai fait seule, car c'était la réalité à l'époque,
Je me souviens de la douleur ressentie, car c'était une étudiante inexpérimentée, qui avait pratiqué l'acte,
Je me souviens de l'inconfort causé par une 3ème personne ( une psy? une accompagnante?) que j'ai symboliser par la main d'un mannequin posé sur ma cuisse.
Je me souviens d'avoir été envahie par un sentiment de culpabilité puis de honte.
Je me souviens avoir tordu mon cerveau et mon coeur pour qu'ils oublient ce que je venais de vivre.
Je me souviens du déni qui a suivi, puis la lente descente dans un profond trou noir ...
J'ai rejoué et quelques larmes discrètes ont coulé.
Quand j'ai regardé les images, j'ai ressenti des bouffées d'angoisses.
Je me vois marquée par ces évènements traumatiques qui jonchent ma vie et dont j'ai mis tant de temps à libérer.
C'est tellement étrange ce travail que j'entame sur mes images mentales et sur mes représentations conscientes et inconscientes.
Ce cerveau, cette machine que je connais si peu.
Ce corps rempli de stigmates, qui a son propre langage que je tente tous les jours de décrypter,
Cette magie du réel, cette magie de l'invisible,
Tous ces outils à notre disposition pour notre évolution,
Cette image, ce visage qui exprime la douleur, résonne en moi au niveau du sternum,
Comme un uppercut qui met k.-o. mon âme,
J'ai presque honte de la partager, c'est pourtant nécessaire,
Cette étape du partage et de la confrontation au regard de l'autre,
C'est celle aussi qui permet de continuer la projection, extérioriser et partager.
A suivre
Que provoque en vous ces images?
Vont-elles réveiller des émotions ou des sensations?
Quels récits avez-vous en tête en parcourant celles-ci?